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BONUS

"Libéré - Enfermé", 796 mots issus de rêves sur l'enfermement et la libération. Sélectionnés en 2016  au Studio Contemporain National Le Fresnoy, Tourcoing, France.

 

Le dessinateur Matthias Picard et le groupe Puce Moment improvisent sur un rêve écrit par Lysiane Bourdon et lu par Marjorie Efther :  Lecture de 00 à 06:20 minutes.


"Libéré - Enfermé ", 796 mots issus de rêves sur l'enfermement et la libération.

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Ils semblent marcher très légèrement. En se suivant les uns les autres. Petits pas. Tout petits pas. Leurs pieds nus frôlent les fourrures. « Sous la plante de leurs pieds, je vois des nuages entiers avec des plumes d'oiseaux qui s'envolent ».

FILLE EN ROUGE qui me ressemble. Je ne sais plus si je suis elle ou si je suis moi. Elle transporte un homme emmailloté, sur son dos. Comme un sac. Enroulé dans un gros tissu de jute avec de la ficelle. Seule sa tête émerge. Un gitan presqu 'immobile transporte des cages en osier avec des oiseaux enfermés. Il les libère sans cesse. A chaque respiration. Et on entend les battements d'ailes. Proches puis lointains. Une respiration. Toujours. Presqu ’un soupir. Flop. Flop. Flop.

FILLE TOUTE DORéE. Un enfant handicapé et très doux, collé à son corps. A l’orée du bois, les chemins se divisent en deux…En trois, en quatre, en cinq, en six…Il faut choisir…Des groupes de chérubins arrivent de partout. Rester au centre et puis partir pour une belle promenade. « Je vais te montrer l’ancienne Joconde et tu ne liras plus les cartes »

FILLE EN NOIR qui vient du fleuve bleu. Une poubelle sur le dos, une poubelle dans le coeur. Mais aussi des merveilles. Dans un coin. Seul. Un petit jeune homme assis sur une chaise. Au milieu d’une douche. Tout est blanc. Une ambiance froide. Des carrelages blancs. Des rideaux de plastique blanc. Triste. Appesanti. Mais vivant.

FILLE EN BLANC qui marche en sens inverse, au bord de l’eau, sur l’autre berge. Elle ne regarde personne et semble un peu égarée. Elle s’enfonce dans l’eau. J’entends pleurer. C’est elle ou c’est moi ?  Ils courent maintenant.

RED GIRL et l’homme sur son dos. Il pleure. Elle le retire et le met face à elle. Il dit : « Pendant notre absence, la maison sera pleine d’oranges » Elle répond : « Ce n’est rien, quand nous rentrerons, nous les évacuerons » Et il redevient serein. « The food from a lover, you always like to eat “ Je ferme toutes les portes.

Mais la FILLE EN ROUGE me demande d’ouvrir. Sa tête se superpose à celle de mon amant et leurs corps ne font plus qu’un. C’est ainsi habituellement…Je n’arrive pas à en sortir. Trop de foule et les objets de culte dans les allées, avec l’encens. La fumée partout qui brouille les pistes, l’odeur étouffante. Et il faut attendre que cela se termine. J’en attrape le vertige. Je ne sais plus mettre un pied devant l’autre sans ressentir un gouffre immense dans lequel je risque de tomber…Je cherche une douche et ne trouve que des douches collectives Sur des escaliers de marbre blanc. Une des douches semble occupée. On aperçoit un corps et le rideau est tout en désordre…J’entrouvre…Il me tourne le dos.

La FILLE EN BLANC prend le jeune homme dans ses bras. Elle le berce, lui parle. Plus de père. Plus de mère. Plus de maison. « Au loin, j’entends une vieille dame chanter des mélopées bienfaisantes ». Il se calme, s’apaise au contact de la chaleur. Et repart heureux. Je ne sais plus ce qu’elle lui dit. Grand. Presque aussi grand que moi.

 

Les hommes allument les paradis.

 

Les enfants fabriquent l’innocence.

 

Et les gens sont tellement loin de la Plaine Centrale.